プラットホームの女
クリスティーヌ・モワルー 宮澤みよ子訳
これは、ある男ランと、別の男ロートル、今度の男デルニエ、そして美しい女ラダムの物語。
彼女、ラダムは檜舞台に進み出る、劇場は何でもない駅の1番ホーム、時は14時。一抱えもある鮮やかな紫陽花の陰で、可愛いらしい鼻をくすぐられながら世界をのみ込むほどの笑いを隠している。このハートのクイーンは胸中にさえずる夢心地の鳥といっしょに行きつ戻りつ落ち着かない。正しくは恋するハート、のクイーンは少し前にほのめかされた約束に気もそぞろ。本気なのだ。というのもある男ランが彼女に囁いたからで 「14時4分に愛する君を駅の1番ホームで待っているよ」 とそれっきり電話は切れ、甘い気分を味わう余裕もなかったが。いいえ、今思えば、あの人きっとこう言ったのよ 「14時4分に君を待っているよ、待ち遠しいなあ、恋人と駅の1番ホームで、、、」後は、無言。ぷっつり切れた。しかし約束は約束である。
ものの数秒で運が向いてきたのがわかり、胸は高鳴る。「ねえ、あなたは14時4分と、はっきり言ったわ。今、時計の針は1、、、これが4を指してあなたが来たら、もう直ぐさま私たち、ついに幸福のメリーゴーランドに飛び乗るんだわ、決して止まることのない、そうよきっと、、、。」
1番ホームを右往左往して行き交う、熱狂的な乗客に煽られ、うかつにも彼女は、もうその気になっていた。手にした儚げな花束を素っ気ない風が乱し、期待の息吹を吹き込まれ、空の片隅に安らぎを求めるかのように、ハートのクイーンは恋の道を彷徨う。「ああ、私のいい人、早く来て苦しみを癒してちょうだい、私は熱が欲しいの、一羽の燕が、春を春にするような!」けれども風にはそれを聞く耳もなく、彼女を約束とはほど遠い所へ連れ去ろうと、吹いている。
14時2分、ラダムは1番ホームで、そっと一歩、滑り足のシャッセ、続く二歩、そして三歩目でタイルの上に戻る、灰色の、駅頭の、さえない、しかし痛切な、赤紫陽花のワルツを、くりかえした。彼女は一度も会ったことのないランを、すでに愛していた、生まれてくる子を思うように。
14時3分。時計の針は、待つ身に遅過ぎ、うずうずする彼女に羽根を生やし、態度を変えさせ、気持ちを激しく奮い立たせた。14時4分、彼女は足を踏みならす。片足軸で半回転。つま先立ちのピルエット。すると、誰かの声
「鳥が頭から離れないようだね。」
こめかみがぴくぴくしている。
「鳥たちのいいようにさせておいてちょうだい。私は、胸を刺すような一突きの幸せがほしいの。」すぐにきっぱりと逆らいながら踵を返した。
14時5分に彼女の送った「どうしていないの。何も言ってこないけど。何か言うことはないの?」と言うメッセージに、用心深いランは即座に答える「気の短い女は嫌だ。君はおろかで、その押しつけがましい口の利き方にはうんざりしている。あいにく忙しいので。ごきげんよう。」
突然の衝撃、思いがけなく、彼女の胸中の鳥は追い払われ、消えた約束といっしょに、いきなり黒点に取り憑かれて太陽も消えた。ひっきり無しに渦巻く乗客の只中に閉じ込められ、彼女の顔は、ピンクの色あせ萎れかけた花束の上に小さくちぢこまり強ばっている。人々の足取りは、時につまづいたり、引き摺ったりしながら、1番ホームを行き来する。1番ホーム?それが何?今や道は断たれ、ピリオドで終わり。惜しむべくは裏切りのなぞ、それが心に袋小路を掘った。こうなったら私はもうスペードのクイーン、光に向かう王道が開くはずだったのに。
だが、いつものように大衆はルーチン、騒がしく、心があるのか無いのか、また新しくその場をモノトーンで飾るばかりだ。
すこし経って、絶望の淵からまつげを向けると、別の男ロートルがやって来るではないか。
「空気がじめじめして、汗が流れるわ。額に、首に、目、、、これは。」
「涙ですよ。ほろほろこぼれる涙、ほら涙だ。」 美しすぎるラダムの抱えた、憐れっぽく萎びた花束に気を取られて足を止めたロートルが続けた。
「どうしてなの? ランは永遠を約束した人なのに、何故こんな風に愛から偽り、偽りから愛へと、ジグザグに行くの?」彼女も単刀直入に尋ねた。
「ジグザグなのは、きっと彼にはわかっているからさ、摩天楼や桃源郷に行ってしまうよりは、ましだと考えてのことだ。愛が人を縛りつける絶頂と奈落を知っているから。それで、ジグザグ。逃げてるだけなんだよ。」
彼女は苦しみをいっそう募らせた。ロートルは、悲嘆に暮れる彼女を前にたじろいで立ち去る、その素早さはまるで容赦ない風にさらわれたようだった。
また別の、今度の男は、さめざめと泉のように泣いているラダムに心を留め、思い切って慰めにかかった。
「ハーモニーを作り出すのは、なかなか骨が折れるというのに、こういった場合口づけ一つで、シンフォニーが生まれてしまいますね。」
「あなたは、音楽家?」(探るように鼻を利かせて)
「ええ、まあ、、、」
「きっとよいアイデアが浮かびますわ。(警戒して)狩りはお好きですか?」
「人間の狩りですか?」
「いいえ、恋の。」
「そうでもありません。待ち合わせですか?」
「来るはずの、今日はね、14時4分に来てくれるはずです。」
「遅れているなら僕が代わりに、いかがでしょう?」
「わたくし、偽りなしの歩き手が好きですの(まだ鼻を利かせている)、女性を追いかけて走り回る方はいや。」
(彼は身を反らし、もったいぶった調子で) 「得も言われぬ恋心が掻き立てられ熱情となる。どうした事か、ぬぐい去れない情熱の。熱、正に愛の炎が、めらめらと燃え尽き、熾ともなり、それら、火の粉はやがて穏やかにたゆたう、、、なんと、にわか雨!さあ、こちらへ逃げて。」
雷鳴がとどろき、涙の雨、気がつけば、腕の中。
「ほほを拭い、あなたを傷つけた花々を放ちなさい。あなたの涙など、今日はまた今日の苦しみを抱えながら過ぎ行く者たちの、騒がしい流れに加えられるだけ、、、。」
ロートルは嵐の声を怖れず、彼もまた彼女をうっとりさせたかった。失意の美しい女性の潤んだ瞳の奧に、未来への望みを投影していたに違いない。彼は飛ぶように彼女を抱きすくめた、まるで鳥の舞、ずっと不思議な詩の言葉を囁きかけながら、
とこしえに やわらかな谷のくぼみ
星の守りの下に横たわり
風は聖なる詩を囁き歌い
疲れた感受の身をいやす
心奪われし我らに 聖なる詩を とこしえに
心軽く、懲りる事を知らないラダムは有頂天の笑みを浮かべている。肩越しに幻滅の花束を放り投げ、もうお終いにしよう、新しい約束に従えば彼女を絶妙なる恋の道へ導いてくれる、それこそ望むところだ。
まあ、風の言葉が正しいとすればの話、、、
Voici l’histoire de l’Un, de l’Autre, du Dernier et de la Belle Dame
Christine Moiroux
Elle, la Dame, avance sur l’échiquier de l’existence, quai numéro un d’une gare, n’importe quelle gare, il est quatorze heures. Elle cache un sourire grand comme le monde derrière une brassée d’hortensias bleus, lumineux, qui chatouillent son nez mignon. La Dame de Coeur fait les cents pas avec dans l’estomac un oiseau ivre qui gazouille. En réalité, la Dame de Cœur et d’Amour espère la tendresse promise depuis peu. Très fort. Car l’Un avait murmuré : « Quatorze heures quatre, je t’attendrai mon Amour à la gare, quai numéro un. » Puis il avait raccroché, vite, trop vite, sans lui laisser le temps de savourer cette douceur. Non, maintenant je me souviens, rectifie-t-elle mentalement, il a plutôt dit : « Quatorze heures quatre, je t’attendrai... avec impatience... mon Amour à la gare, quai numéro un... » Puis, silence... L’Un avait raccroché. Mais c’était sa promesse.
Quelques secondes ont suffi pour voir s’avancer la fortune, la Belle Dame jubile. « Mon amour, tu as précisé quatorze heures quatre, l’aiguille de l’horloge marque une... A quatre, dès ton arrivée, sans plus attendre, nous sauterons enfin dans le manège des gens heureux, jamais il ne s’arrêtera. Non, jamais... » se promet-elle déjà étourdie par les chassés croisés des voyageurs frénétiques sur le quai numéro un. Le vent glacial décoiffe son fragile bouquet. Aspirée par le souffle de l’espoir, à la recherche d’un coin de ciel abrité, la Dame de Cœur flotte sur le chemin de l’amour. « Oh ! Amour, viens très vite pour apaiser ma douleur ! J’ai tellement besoin de chaleur qu’une hirondelle ferait déjà le printemps ! » Mais le vent ne l’entend pas de cette oreille et tente de l’emporter loin des promesses.
Quatorze heures deux, la Dame résiste quai numéro un, esquisse un pas, pas chassé, puis deux, puis trois sur le carreau : valse des hortensias rouges, profond, sur le quai, terne, d’une gare, grise. Sans l’avoir jamais rencontré, elle aime déjà l’Un, comme aime une enfant. Quatorze heures trois. L’aiguille de l’horloge trop lente, d’impatience, lui laisse pousser des ailes : vire, virevolte, l’endiablée pour se réchauffer le coeur. Quatorze heures quatre, elle trépigne. Pirouette. Quelqu’un l’interroge :
— Sont-ce les oiseaux qui vous préoccupent ?
Sang qui tape aux tempes.
— Laissez ces oiseaux qui me préoccupent. J’attends une brochette de bonheurs pour pincer mon cœur, réplique-t-elle fièrement tout en tournant les talons.
A ce message qu’elle envoie à quatorze heures cinq : « Vous n’êtes pas là. Avez-vous perdu vos mots ? », l’Un frileux répond illico : « Vous êtes idiote. Je n'aime pas les femmes impatientes. Vous êtes trop envahissante avec vos mots quotidiens. Je ne suis pas libre. Adieu. »
Le choc est brutal, inattendu, il fait s’échapper l’oiseau du fond de son ventre à Elle. La promesse envolée, du même coup le jour s’éteint, goulûment happé par la pénombre. Enfermée au coeur du tournoiement incessant des voyageurs, toute petite, elle se crispe sur le bouquet rose, pâle, fané. Les pieds des voyageurs traînent, trébuchent vont et viennent sur le quai numéro un. Numéro un ? Quelle importance vraiment ! La voie n’est plus libre maintenant, un point c'est tout. Le regrettable secret de la trahison creuse une impasse en elle. La Dame maintenant de Pique aurait tellement voulu que s’ouvre la voie royale vers la lumière... mais le commun routinier, bruyant, menteur, laisse de nouveau la part belle à la grisaille.
Peu de temps après, du fond de son désespoir, elle voit s’avancer l’Autre et :
— L’air me moite, la sueur dégouline sur mon front, mon cou, mes yeux... Mais... ? Ce sont... Ce sont des larmes, de celles qui dévalent la pente... Oui, ce sont des larmes... lui répond l’Autre qui s’est arrêté intrigué par ce bouquet larmoyant recroquevillé dans les bras d’une Dame
— Dites, pourquoi l’Un, ma promesse d’éternité, zigzague-t-il ainsi de l’amour au mensonge, du mensonge à l’amour?
— Il zigzague car il a certainement compris que cela fait moins mal de se perdre en Patagonie... ou en Amazonie que dans les yeux de l’autre. Il connaît les abîmes et les pics où l’amor l’a ligoté. Voilà pourquoi il zigzague. Il fuit, c’est tout.
Elle redouble de sanglots. Au même moment une poussière lui fait cligner les yeux et l’Autre, effaré de croiser tant d’affliction, se montre avare de plus de commentaires. Il file, file à tire d’aile, emporté par le vent opiniâtre.
Un autre, le Dernier celui-là, s’arrête à la fontaine de la Belle Dame affligée et s’aventure à une consolation :
— On peut s’échiner à composer des harmonies alors qu’un seul baiser suffit à créer des symphonies.
— Vous êtes musicien ? (elle renifle)
— Oui, c’est ainsi...
— Les idées ne vous manquent pas... (méfiante) Aimez-vous la chasse ?
— La chasse à l’homme ?
— Non, la chasse à courre.
— Pas vraiment. Vous attendez qui ?
— Celui qui devait, aujourd’hui, à quatorze heures quatre me faire la cour.
— Je vais le remplacer s’il est en retard.
— J’ai besoin d’un bon marcheur qui ne triche pas (elle renifle toujours), non d’un coureur de jupons.
— (D’un ton pompeux en bombant le torse) Ineffable amour attisé pour devenir passion. Etonnante, encombrante ardeur. Le feu, tout comme l’amour, de flammes se métamorphose en braises, flots sereins d’étincelles... qu’une averse rince. Oh ! Venez vous abriter.
Tonne l’orage, tombent les larmes, dans ses bras elle se retrouve.
— Essuyez votre joue et lâchez ces fleurs qui vous blessent, vos pleurs ne font qu'ajouter aux flots turbulents des passants d’autres rigoles de tourments...
Le Dernier, peu effrayé celui-là, veut aussi l’émerveiller. Il projette son avenir au fond des yeux humides de la belle désappointée. Il la saisit au vol, un vol d’oiseau, en lui susurrant encore d’étranges mots poètes pour l’apprivoiser : « Pour l’éternité, au creux d’un vallon douillet, allongés sous la protection des étoiles, le vent murmurera un chant sacré pour le plaisir de nos sens fatigués... un chant sacré à nos cœurs émerveillés... pour l'éternité. » La Dame, légère, incorrigible, enivrée, sourit. Elle finit par jeter par-dessus l’épaule son bouquet désenchanté pour suivre d’autres promesses qui la conduiront sur la voie des merveilles, enfin le souhaite-t-elle.
Et... si le vent avait raison ?
Elle, la Dame, avance sur l’échiquier de l’existence, quai numéro un d’une gare, n’importe quelle gare, il est quatorze heures. Elle cache un sourire grand comme le monde derrière une brassée d’hortensias bleus, lumineux, qui chatouillent son nez mignon. La Dame de Coeur fait les cents pas avec dans l’estomac un oiseau ivre qui gazouille. En réalité, la Dame de Cœur et d’Amour espère la tendresse promise depuis peu. Très fort. Car l’Un avait murmuré : « Quatorze heures quatre, je t’attendrai mon Amour à la gare, quai numéro un. » Puis il avait raccroché, vite, trop vite, sans lui laisser le temps de savourer cette douceur. Non, maintenant je me souviens, rectifie-t-elle mentalement, il a plutôt dit : « Quatorze heures quatre, je t’attendrai... avec impatience... mon Amour à la gare, quai numéro un... » Puis, silence... L’Un avait raccroché. Mais c’était sa promesse.
Quelques secondes ont suffi pour voir s’avancer la fortune, la Belle Dame jubile. « Mon amour, tu as précisé quatorze heures quatre, l’aiguille de l’horloge marque une... A quatre, dès ton arrivée, sans plus attendre, nous sauterons enfin dans le manège des gens heureux, jamais il ne s’arrêtera. Non, jamais... » se promet-elle déjà étourdie par les chassés croisés des voyageurs frénétiques sur le quai numéro un. Le vent glacial décoiffe son fragile bouquet. Aspirée par le souffle de l’espoir, à la recherche d’un coin de ciel abrité, la Dame de Cœur flotte sur le chemin de l’amour. « Oh ! Amour, viens très vite pour apaiser ma douleur ! J’ai tellement besoin de chaleur qu’une hirondelle ferait déjà le printemps ! » Mais le vent ne l’entend pas de cette oreille et tente de l’emporter loin des promesses.
Quatorze heures deux, la Dame résiste quai numéro un, esquisse un pas, pas chassé, puis deux, puis trois sur le carreau : valse des hortensias rouges, profond, sur le quai, terne, d’une gare, grise. Sans l’avoir jamais rencontré, elle aime déjà l’Un, comme aime une enfant. Quatorze heures trois. L’aiguille de l’horloge trop lente, d’impatience, lui laisse pousser des ailes : vire, virevolte, l’endiablée pour se réchauffer le coeur. Quatorze heures quatre, elle trépigne. Pirouette. Quelqu’un l’interroge :
— Sont-ce les oiseaux qui vous préoccupent ?
Sang qui tape aux tempes.
— Laissez ces oiseaux qui me préoccupent. J’attends une brochette de bonheurs pour pincer mon cœur, réplique-t-elle fièrement tout en tournant les talons.
A ce message qu’elle envoie à quatorze heures cinq : « Vous n’êtes pas là. Avez-vous perdu vos mots ? », l’Un frileux répond illico : « Vous êtes idiote. Je n'aime pas les femmes impatientes. Vous êtes trop envahissante avec vos mots quotidiens. Je ne suis pas libre. Adieu. »
Le choc est brutal, inattendu, il fait s’échapper l’oiseau du fond de son ventre à Elle. La promesse envolée, du même coup le jour s’éteint, goulûment happé par la pénombre. Enfermée au coeur du tournoiement incessant des voyageurs, toute petite, elle se crispe sur le bouquet rose, pâle, fané. Les pieds des voyageurs traînent, trébuchent vont et viennent sur le quai numéro un. Numéro un ? Quelle importance vraiment ! La voie n’est plus libre maintenant, un point c'est tout. Le regrettable secret de la trahison creuse une impasse en elle. La Dame maintenant de Pique aurait tellement voulu que s’ouvre la voie royale vers la lumière... mais le commun routinier, bruyant, menteur, laisse de nouveau la part belle à la grisaille.
Peu de temps après, du fond de son désespoir, elle voit s’avancer l’Autre et :
— L’air me moite, la sueur dégouline sur mon front, mon cou, mes yeux... Mais... ? Ce sont... Ce sont des larmes, de celles qui dévalent la pente... Oui, ce sont des larmes... lui répond l’Autre qui s’est arrêté intrigué par ce bouquet larmoyant recroquevillé dans les bras d’une Dame
— Dites, pourquoi l’Un, ma promesse d’éternité, zigzague-t-il ainsi de l’amour au mensonge, du mensonge à l’amour?
— Il zigzague car il a certainement compris que cela fait moins mal de se perdre en Patagonie... ou en Amazonie que dans les yeux de l’autre. Il connaît les abîmes et les pics où l’amor l’a ligoté. Voilà pourquoi il zigzague. Il fuit, c’est tout.
Elle redouble de sanglots. Au même moment une poussière lui fait cligner les yeux et l’Autre, effaré de croiser tant d’affliction, se montre avare de plus de commentaires. Il file, file à tire d’aile, emporté par le vent opiniâtre.
Un autre, le Dernier celui-là, s’arrête à la fontaine de la Belle Dame affligée et s’aventure à une consolation :
— On peut s’échiner à composer des harmonies alors qu’un seul baiser suffit à créer des symphonies.
— Vous êtes musicien ? (elle renifle)
— Oui, c’est ainsi...
— Les idées ne vous manquent pas... (méfiante) Aimez-vous la chasse ?
— La chasse à l’homme ?
— Non, la chasse à courre.
— Pas vraiment. Vous attendez qui ?
— Celui qui devait, aujourd’hui, à quatorze heures quatre me faire la cour.
— Je vais le remplacer s’il est en retard.
— J’ai besoin d’un bon marcheur qui ne triche pas (elle renifle toujours), non d’un coureur de jupons.
— (D’un ton pompeux en bombant le torse) Ineffable amour attisé pour devenir passion. Etonnante, encombrante ardeur. Le feu, tout comme l’amour, de flammes se métamorphose en braises, flots sereins d’étincelles... qu’une averse rince. Oh ! Venez vous abriter.
Tonne l’orage, tombent les larmes, dans ses bras elle se retrouve.
— Essuyez votre joue et lâchez ces fleurs qui vous blessent, vos pleurs ne font qu'ajouter aux flots turbulents des passants d’autres rigoles de tourments...
Le Dernier, peu effrayé celui-là, veut aussi l’émerveiller. Il projette son avenir au fond des yeux humides de la belle désappointée. Il la saisit au vol, un vol d’oiseau, en lui susurrant encore d’étranges mots poètes pour l’apprivoiser : « Pour l’éternité, au creux d’un vallon douillet, allongés sous la protection des étoiles, le vent murmurera un chant sacré pour le plaisir de nos sens fatigués... un chant sacré à nos cœurs émerveillés... pour l'éternité. » La Dame, légère, incorrigible, enivrée, sourit. Elle finit par jeter par-dessus l’épaule son bouquet désenchanté pour suivre d’autres promesses qui la conduiront sur la voie des merveilles, enfin le souhaite-t-elle.
Et... si le vent avait raison ?